« La Petite Garenne des lapins » : un nouvel enclos pour offrir un accès à l’extérieur aux lapins de La Hardonnerie

« La Petite Garenne des lapins » : un nouvel enclos pour offrir un accès à l’extérieur aux lapins de La Hardonnerie

La ferme refuge et éducative La Hardonnerie travaille à la construction d’un nouvel enclos pour les lapins, afin de répondre au mieux à leurs besoins et d’améliorer encore leur bien-être. Baptisée « La Petite Garenne des lapins », l’infrastructure permettra à ces animaux de profiter d’une large surface de prairie et d’aménagements leur permettant d’exprimer pleinement leurs comportements naturels.

Originaire de la péninsule ibérique, le lapin européen, Oryctolagus cuniculus, s’est dispersé à travers le monde par l’intermédiaire de l’homme depuis le Moyen-Âge. Il est aujourd’hui présent dans toute l’Europe, en Afrique du Nord, dans certaines parties d’Amérique du Sud, ou encore en Australie.

Qu’il soit animal de compagnie, élevé pour sa chair, pour sa fourrure, ou encore animal de laboratoire, le lapin est une espèce omniprésente dans notre société. Or, dans la plupart des cas, cet animal vit principalement en cage.

Un accès à l’extérieur pour les lapins

À la ferme refuge et éducative La Hardonnerie, Welfarm a à cœur de présenter les animaux dans des conditions correspondant aux besoins de chaque espèce.

Or, des 150 animaux hébergés à La Hardonnerie, les lapins sont les seuls à ne pas bénéficier à ce jour d’un accès extérieur. Afin de répondre au mieux aux besoins comportementaux de ces animaux et de sensibiliser le public à leur bien-être, la construction d’un nouvel enclos comprenant un espace de prairie est nécessaire.

Mais les contraintes sont nombreuses pour proposer l’accès à l’extérieur aux lapins : leur statut de proie et leur capacité à creuser complexifient la réalisation d’un enclos extérieur apte à héberger des lapins domestiques en toute sécurité et dans des conditions répondant à leur bien-être :

  • les lapins sont des proies pour de nombreux prédateurs : un enclos capable de les tenir hors de portée de leurs prédateurs sauvages (tant terrestres qu’aériens) est primordial. Des aménagements extérieurs permettant aux lapins de vivre et de se sentir en sécurité sont à prévoir ;
  • les lapins sont des animaux qui creusent terriers et galeries : des clôtures capables de les maintenir dans l’enceinte de l’enclos sont nécessaires ;
  • les lapins sont des animaux crépusculaires et nocturnes : respecter leur chronobiologie demande à laisser l’espace extérieur accessible aussi le soir et la nuit.

Une étude menée sur les garennes

Un comportement caractéristique du lapin est le fait de vivre en « garenne » : c’est-à-dire dans des terriers reliés entre eux par des galeries et utilisés par un groupe social. L’enclos actuel ne permet pas d’exploiter le caractère souterrain d’une vraie garenne. D’où l’intérêt d’étudier l’utilisation de garennes artificielles proposées « en surface » avant de concevoir le nouvel enclos.

Dans le cadre de son master « Écophysiologie, Écologie, Éthologie » à la faculté de sciences de la vie à l’université de Strasbourg, Chloé Tharin a effectué un stage de deux mois à La Hardonnerie en mai et juin 2023. Ce stage a été mis à profit pour mettre en place une telle étude.

Ce travail a été réalisé en collaboration avec le bureau ETRE (Etudes et travaux de recherche en éthologie et bien-être animal), dont la responsable, Cécile Bourguet, est docteur et chercheuse en éthologie, spécialisée dans le bien-être des animaux d’élevage. Cette collaboration a permis de bénéficier d’un suivi scientifique rigoureux de l’ensemble des étapes de l’étude éthologique et de renforcer l’objectivité de ce travail.

Peu de données disponibles pour les lapins domestiques

Un constat préalable a été qu’il existe très peu de données sur les sujets du bien-être des lapins domestiques et de leurs comportements dans l’utilisation de garennes. Dans la littérature, les aménagements d’enclos testés et étudiés chez les lapins domestiques (la plupart du temps en élevage ou en laboratoire) portent principalement sur l’installation de plateformes surélevées.

Les informations disponibles dans la littérature scientifique sur l’importance de disposer d’abris plus ou moins fermés sur l’extérieur et plus ou moins reliés entre eux par des galeries sont peu nombreuses pour les lapins domestiques. L’étude réalisée lors du stage de Chloé Tharin est donc basée sur une étude bibliographique concernant l’utilisation des garennes par les lapins sauvages qui a permis de faire ressortir des modalités à tester pour les lapins domestiques de La Hardonnerie.

Deux types d’organisation testés

Schéma des deux systèmes testés. Les chambres sont numérotées de 1 à 3 et les galeries sont nommées a,b et c, les entrées sont en rouge et les parois en plexiglas sont matérialisées en bleu.

Des garennes artificielles ont spécialement été construites pour les besoins de l’étude. Les chambres ont été construites en bois non traité et les galeries les reliant entre elles sont des tuyaux de gouttière.

Afin de tester si le nombre de communications à partir d’une chambre donnée impacte son utilisation par les individus, deux types d’organisation ont été testés : un système dit en étoile et un autre prenant la forme d’un réseau connecté. Le système réseau est relativement ouvert sur l’extérieur, car chaque chambre possède une entrée individuelle et toutes les chambres sont reliées entre elles par des galeries. À l’inverse, le système étoile présente une entrée unique permettant de pénétrer dans l’une des chambres, les deux autres ne sont accessibles qu’en empruntant les galeries au départ de cette première chambre.

Selon un article universitaire de Trocino & Xiccato, grâce aux « tests de préférence », c’est-à-dire donnant la possibilité de choisir entre différents environnements, les lapins peuvent être directement consultés sur la « façon dont ils voient le monde ». Cette notion de choix peut avoir un effet conséquent sur le niveau de bien-être.

18 % du temps passé dans les garennes

Les lapins ont été observés dans ce nouvel environnement pendant quatre semaines pour un total de 120 heures d’observation sur cette période.

En moyenne, sur l’ensemble des heures d’observations chaque lapin a passé 18 % du temps à l’intérieur de l’un ou l’autre des systèmes de garenne avec un minimum de 4 % et un maximum de 56 %.

Sur l’ensemble des heures d’observation, 80 % du temps passé à l’intérieur d’une garenne l’était dans le système réseau, contre 20 % dans le système étoile. Il semblerait donc que les lapins expriment une préférence pour le système en réseau.

Séparation sociale des individus en deux groupes

Une séparation a été mise en évidence. En effet, il semblerait que les lapins de La Hardonnerie forment deux sous-groupes distincts qui n’interagissent entre eux qu’au travers de comportements agonistiques1. Les comportements affiliatifs2, principalement représentés par du toilettage mutuel, ne sont exprimés qu’au sein des sous-groupes.

Sociogramme du groupe de lapins domestiques de La Hardonnerie. La longueur des flèches indique la proximité entre les individus, la couleur indique la catégorie de comportement et l’épaisseur la proportion de comportements émis. L’émetteur est à la base de la flèche et le récepteur à la pointe.

L’étude a également révélé que le repos se déroule en plus grande proportion à l’intérieur des garennes et que le panel d’activités effectuées à l’intérieur des garennes est réduit. Ceci tend à montrer que la garenne conserve sa fonction de lieu de repos chez les individus domestiques, comme c’est le cas pour les lapins sauvages.

Mise en pratique de l’étude dans la conception du futur enclos

Concernant la construction du nouvel enclos, l’équipe de La Hardonnerie souhaite prendre en compte le fait que les lapins domestiques vivant à la ferme refuge utilisent les enrichissements que sont les garennes artificielles principalement comme lieux de repos. Ils forment deux sous-groupes distincts qui ont une préférence commune pour le système réseau, mais qu’ils n’occupent pas simultanément. Compte tenu de ces observations, il apparaît primordial de construire plusieurs systèmes de garenne distincts au sein du nouvel enclos afin de limiter les interactions agonistiques entre les individus issus de groupes sociaux différents et d’assurer une bonne cohabitation dans l’enclos. Ces systèmes de garenne seront relativement ouverts sur l’extérieur, permettant aux animaux d’observer leur environnement.

(1) Qui concerne la lutte, les conflits.
(2) Qui concerne l’affiliation, c’est-à-dire le processus par lequel une entité devient membre d’un groupe.

Vous pouvez participer à ce projet en le soutenant financièrement. Grâce à vos dons, les lapins de La Hardonnerie pourront enfin gambader, bondir, ronger et jouer en extérieur en toute sécurité, de jour comme de nuit.